L’évolution des relations DG-DSI

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In 2004, Mega

le 1er juillet 2004

Les relations entre direction générale et direction des systèmes d’information ont considérablement évolué ces dernières années. L’organisation des entreprises a changé, l’informatique est devenue stratégique, et corrélativement les relations entre DG et DSI se sont resserrées.

Les relations entre les directions générales et les directions des systèmes d’information ont évolué au cours de ces dernières années au sein des grandes entreprises françaises. Tel est le constat du Cigref (Club informatique des grandes entreprises françaises) et McKinsey, à la suite d’une étude effectuée par ces deux organismes.

Parmi ces évolutions, Mega met en évidence les changements dans le métier des DSI, qui doivent faire face à la mondialisation, à la délocalisation, à l’externalisation ou outsourcing. Si ce phénomène a pu entraîner une déresponsabilisation d’ordre technique, le rôle des DSI les a rapprochés des DG, et ils ont tendance à participer de manière plus étroite à la stratégie de l’entreprise.

Pour faire le point sur ce sujet, Mega a organisé une table ronde, réunissant un spécialiste des relations sociales dans l’entreprise, Hubert Landier, un représentant d’une direction générale de grand organisme, en la personne de Marie Babel, Directeur Général Adjoint de la CNAM TS (Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés), et un directeur des systèmes d’information d’une grande entreprise, Alexandre Boulgakoff, de LaSer (Lafayette Services, filiale du groupe Galeries Lafayette).

Un changement de paradigme

 » Depuis 20 ans, on parle de management du changement dans les entreprises. Or elles ne changent pas tellement « , constate Hubert Landier, qui estime que l’organisation de l’entreprise d’aujourd’hui suit toujours un modèle classique, hérité des siècles derniers.

Elle se caractérise par quatre aspects principaux :

  1. Le taylorisme, impliquant la répartition en deux catégories : décideurs (cols blancs) et exécutants (cols bleus).
  2. Le modèle militaire, plus particulièrement celui hérité de l’époque napoléonienne, avec le vocabulaire correspondant :  » cadres « ,  » mobilisation de troupe « ,  » tactique « ,  » stratégie « ,  » guerre économique « .
  3. L’organisation pyramidale, hiérarchique.
  4. L’organisation autour de la production.

Cette organisation reflète le modèle de la science des 17e et 18e siècles, fondé sur une logique quantitative et analytique qui constitue la base des théories de Newton et Descartes. Elle en est restée à ce stade, alors que la science a considérablement évolué au 19e et surtout au début du 20e siècle, avec le principe d’incertitude de Heisenberg, les avancées de la biologie, les systèmes complexes, la théorie du chaos et les attracteurs étranges (qui font apparaître de l’ordre à partir du désordre), la logique floue (qui estompe la distinction entre ce qui est à l’intérieur et à l’extérieur d’un ensemble, en l’occurrence de l’entreprise).

Pour répondre à ce nouveau paradigme scientifique, un nouveau modèle s’impose pour les entreprises :

 » L’entreprise est une organisation en réseau, polycellulaire, d’inspiration biologique ; elle s’articule autour d’une même culture, d’un même projet « , observe Hubert Landier.

D’autres changements socio-économiques doivent être pris en compte : l’ouverture de la société laisse une plus grande place à la recherche, implique le respect du pluralisme des points de vue, la suppression des cléricatures détenant la vérité, le respect des droits des minorités. Par ailleurs, la logique du marché remplace la logique administrative, avec pour devise :  » que le meilleur gagne « .

 » Toute entreprise doit se donner pour objectif de changer le monde « , conclut Hubert Landier.

L’exemple de la CNAM TS : la transparence est nécessaire

Très longtemps, la CNAM TS a été une entreprise de gestion de production, qui avait pour objectif de produire des remboursements. C’est un domaine fonctionnel très réglementé. Autre spécificité de cet organisme : le décideur est l’Etat. Dans les années 1990 a été instaurée la  » maîtrise médicalisée des dépenses de santé « , qui implique la prise en compte de la qualité médicale. Corrélativement, il a fallu se préoccuper de productivité, en raison de la croissance du volume des données. Par ailleurs, une partie du système d’information a été externalisée avec Sésame-Vitale. En même temps, la CNAM a développé des outils d’interface homme-machine pour permettre à certains de traiter le volet qualité.

Une fracture est apparue en 2000, lorsque la CNAM est passée d’une logique de production à une logique d’utilité médicale et de contrat individuel, avec des modes de remboursement de plus en plus compliqués, tandis qu’elle devait faire face à un déficit de 10 milliards d’euros (30 milliards d’euros cumulé). Il a donc fallu trouver d’autres modes de gestion et de remboursement. Un changement de système d’information est devenu nécessaire pour répondre au besoin de réactivité et d’adaptation.  » Notre système d’information doit être aligné sur notre stratégie qui a changé « , martèle Marie Babel.  » Dans le contexte d’aujourd’hui, une nouvelle relation s’est créée entre DSI et DG : ils constituent un binôme dont l’un sert l’autre. « 

La nouvelle organisation se fonde sur une clarification des responsabilités et la gouvernance du système d’information. Le premier point implique de recentrer le DSI sur son cœur de métier afin de répondre aux besoins de l’entreprise ; de s’adapter à la demande des utilisateurs internes et externes (l’Etat et les organismes complémentaires) ; d’être au service du client final, qui est l’assuré social ; de garantir un niveau du système d’information. La gouvernance du système d’information implique que toute l’exploitation pourrait être externalisée ; de repositionner les maîtrises d’ouvrages métiers ; d’intégrer dans les structures de gouvernance les utilisateurs du système d’information.

 » La clé de la relation DG-DSI est le partenariat. Il se fonde sur la crédibilité du DSI, et donc sa compréhension de la stratégie de l’entreprise, sur la vision multi-partenaire et l’ouverture sur l’extérieur, sur la prise en compte des 110 000 utilisateurs internes : l’outil de travail doit fonctionner « , souligne Marie Babel, qui estime que  » la dimension du DSI est managériale et pas technique « , même si la technique est évidemment un prérequis. Il doit connaître les processus métiers, le vocabulaire.  » La transparence est nécessaire dans la relation DG-DSI sur les risques, les délais, le possible « , conclut-elle.

Le témoignage du DSI de LaSer : une relation de confiance avant tout

LaSer est un groupe européen leader dans les domaines de la gestion et de la valorisation de la relation client, avec une offre adossée sur six savoir-faire : services financiers et non financiers, fidélisation, contacts à distance, services points de vente, cartes. Avec 5000 personnes, résultant du regroupement de multiples sociétés, l’entreprise a subi trois changements de DSI en moins de 3 ans, alors que  » le système d’information est un facteur de différenciation pour LaSer « , assure Alexandre Boulgakoff.

La réorganisation de la société, il y a deux ans, a impliqué une transformation de la DSI et des projets de refonte des systèmes d’information. La pratique des DSI a évolué depuis le niveau minimum, consistant à  » assurer le fonctionnement quotidien « , jusqu’au niveau supérieur de maturité, consistant à  » créer de la valeur pour l’entreprise « , en passant par l’état intermédiaire impliquant de  » maîtriser, optimiser, industrialiser le SI « . En revanche, la direction des systèmes d’information a les attentes suivantes vis-à-vis de la DG :

  •  qu’elle consacre plus de temps aux systèmes d’information
  •  qu’elle accorde davantage de reconnaissance et de confiance à la DSI
  •  qu’elle implique les directions métiers
  •  qu’elle exploite mieux la connaissance transversale de l’entreprise que détient la DSI.

 » Entre le DSI et le DG, il doit y avoir une relation de confiance avant tout « , déclare Alexandre Boulgakoff, qui exprime cette relation par l’équation :

confiance = crédibilité x intimité x 1/risque x valeur ajoutée x culture identique partagée

 » Des points qui doivent être en constante amélioration « , commente-t-il.  » Le DSI est à la fois un stratège, un gestionnaire, un décideur, un intégrateur. » . L’expérience de LaSer montre ainsi que le DSI, à l’opposé d’un  » Diafoirus « , est vecteur de modernité pour son entreprise ou son organisation.