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La décision de la Commission Européenne concernant Safe Harbor a soulevé des questions importantes non seulement au sujet de la confidentialité des données, mais surtout au sujet de leur emplacement. Profitez de ce revirement pour vous interroger sur vos propres données, celles de votre entreprise, il est peut-être temps de porter un regard plus stratégique sur les personnes qui utilisent vos données et leur localisation.

Beaucoup voient ‘Le Cloud’ comme la panacée qui apporte de l’agilité à l’entreprise, tout en permettant de faire des économies et de rester à la pointe de la technologie – mais cette adoption de nouvelles technologies est possible parce que des sacrifices ont été faits, souvent sans que cela ne soit visible d’un point de vue business.

La première chose à savoir est que ‘Le Cloud’ n’existe pas. Plusieurs fournisseurs proposent des services qui, en apparence, se ressemblent mais qui, en fait, sont totalement différents dans leur mode de livraison, leur envergure, leur exécution. Il est communément acquis que, la plupart du temps, lorsque les gens décident d’utiliser le cloud, ils passent par l’un des quelques gros fournisseurs américains, cependant, leur approche du cloud est de construire des centres de calculs répartis sur le moins de lieux de stockage possible à travers le monde pour que leurs informations soient accessibles par l’Internet public au plus grand nombre de personnes possible. Cette façon de faire n’est pas inéluctable et il existe même plusieurs raisons qui font que cela peut être préjudiciable pour certaines activités.

Raison n° 1 – Si vos données sont chez un fournisseur étranger, les lois de ce pays peuvent s’appliquer

Si vos données sont hébergées par un fournisseur résidant dans un autre pays que celui où vous exercez votre activité, alors, le gouvernement de ce pays, en plus du vôtre, peut accéder à vos données, et des lois que vous ignorez peuvent s’appliquer. Un conseil : choisissez judicieusement votre fournisseur de services cloud. Les grands fournisseurs américains se sont empressés de rassurer les entreprises européennes sur le fait que leurs données étaient en sécurité vis-à-vis de l’extérieur, garantissant qu’elles n’étaient pas diffusées sans « conformité avec la loi ». Mais c’est justement le problème : différentes compagnies dans des juridictions différentes peuvent avoir des droits sur vos données, et savoir quelles lois s’appliquent peut être un vrai casse-tête.

Raison n° 2 – Si vos données sont exploitées au-delà de vos utilisateurs initiaux, il vous faut redévelopper et redéployer

Si vous gérez une entreprise, vous avez développé votre infrastructure au fil du temps, dessiné une architecture adaptée et optimisée pour vos clients, souvent en étroite collaboration avec les utilisateurs de la plateforme pour mieux les servir. Maintenant voilà : la plupart des géants du cloud pensent que chaque marché individuel sur la planète peut être livré par un ou deux mega data centres et en utilisant des nœuds de cache et d’autres technologies. Dans les faits, plus le serveur est éloigné, plus la latence est importante et plus la performance est lente. Cela se vérifie, indépendamment des technologies supplémentaires que vous pourrez ajouter ; rien ne sera plus performant qu’un serveur proche de vos utilisateurs, recréant les configurations exactes que vous avez construites au fil des années pour les servir. Lorsque vous avez l’habitude que vos données soient près de vos utilisateurs et que vous décidez de migrer dans ‘Le Cloud’, vous devez souvent redévelopper, redéployer et changer les architectures pour adopter cette technologie, car les configurations sont différentes, et vous investissez des sommes considérables pour effectuer cette transition. A cela s’ajoute le fait que l’Internet public n’apporte pas la même qualité ni la même vitesse et vous devez alors investir dans des réseaux supplémentaires pour avoir les performances requises pour le fonctionnement de vos applications critiques.

Raison n° 3 – Plus vous êtes éloigné du serveur, plus l’expérience utilisateur est lente

Dans ce monde numérique, la vitesse n’a jamais été aussi importante ; avec la prolifération des terminaux connectés et l’envie d’être connecté à tout moment et en tout lieu, cela nous a rendus critiques au moindre petit délai d’attente. Que ce soit pour visionner une vidéo, utiliser une application métier ou simplement pour surfer sur des sites web, les clients s’attendent à une expérience aussi fluide au travail qu’à la maison. Cette exigence de réponse immédiate est soumise à une limite, non pas technologique, mais physique : la vitesse de la lumière dans la fibre de verre. Elle constitue la limite de la vitesse d’Internet et des réseaux. Nous avons parfois pu expérimenter une conversation sur Skype avec quelqu’un à l’autre bout du monde et constaté un certain décalage. Et ceci est juste un exemple parmi d’autres. Lorsque vous visitez un site Internet ou que vous travaillez sur une application professionnelle, dix, cent, ou plus, de vos actions interviennent en même temps puisque chaque élément de contenu est requis, considéré et délivré – et plus vous êtes loin du serveur, plus le transfert de données est lent, et plus l’expérience utilisateur est lente. Lorsque vous avez pris conscience que ‘Le Cloud’ n’existe pas, vous pouvez commencer à réfléchir à votre approche du numérique, et à regarder les technologies cloud sous un nouveau jour. Chaque solution n’est pas valable pour chaque application, et par conséquent, chaque fournisseur ne convient pas à chaque client. Il est important de le savoir pour adapter son approche du cloud. Les clients commencent à repenser leur usage du cloud, et le besoin se fait sentir d’une plateforme cloud distribuée dans autant de pays que possible.

Construire mondialement, livrer localement et tout connecter En utilisant un mode de livraison local et distribué pour vos données, vous bénéficierez d’une faible latence et des gains de performance qui en découlent, et en intégrant du cloud privé au niveau de la couche réseau dans votre migration vers le cloud, vous vous rapprochez de votre configuration actuelle – ce qui facilite votre migration et résout peut-être des problèmes persistants de votre plateforme -, un avantage supplémentaire pour votre migration. Une fois que vous avez commencé à servir certains utilisateurs en utilisant des sites locaux proches d’eux, il est opportun de poursuivre en se rapprochant d’autres utilisateurs, en distribuant votre plateforme dans plusieurs lieux et ensuite profiter de cette capacité pour fournir de la redondance et de la couverture à grande échelle, pour diminuer vos coûts tout en améliorant votre disponibilité. Adopter le précepte « construire mondialement, livrer localement et tout connecter » vous amène à un cloud plus rapide, avec les économies sous-jacentes, tout en assurant la sécurité et la localisation des données de vos utilisateurs. Conclusion : plutôt que de construire votre propre mega data centre à un endroit donné pour servir toute une région, vous pouvez vous affranchir de ce modèle centralisé et construire localement, en vous connectant au monde entier, pour vous approprier le cloud.

Par Jean-Pierre Tournemaine, Directeur France d’Interoute

 

Publié par GPOmag.fr le 12 février 2016